L’aveugle…


Les paupières closes, et les idées qui errent dans le noir de son âme solitaire, il entend tout de même les vagues venir se déchirer sur la falaise près de la maison ancestrale où il est né, cinquante ans plutôt. Toute sa vie durant, il fut tout de même très heureux malgré l’obscurité permanente, qui malgré tout faisait en sorte que son monde n’en était pas diminué mais augmenté par ses autres sens.

Dehors, sous l’arbre qui s’étire au dessus de la mer, il sent le vent caresser sa joue et il ressent un frisson à fleur de peau qui lui rappelle ce jour où il a perdu son premier amour si intense et enivrant mais qui ne l’avait jamais aimé en retour trop occupé qu’il était à se perdre de Charybde en Scylla afin d’éviter de faire un choix trop déchirant mais aussi trop triste. Choisir c’est risquer…il n’était pas prêt à le prendre ce risque parce que les conséquences lui semblaient si désastreuses mais aussi parce qu’il savait depuis sa tendre enfance que s’il choisissait d’être amoureux, de s’engager, il ne pourrait plus prendre le large aussi librement alors il sacrifia l’amour potentiel de sa vie pour mieux faire éclore sa propre identité.

Avait-il bien choisi? Il était là, seul, au même point de départ qu’il y a très longtemps, mais dans un contexte différent puisqu’il avait reçu le verdict : cancer. Il ne lui restait que l’espoir, même si cela voulait dire écourter encore plus le reste de sa vie. Ressentant le besoin de solitude pour de renouer avec sa vie, ses choix et aussi, ses erreurs. Bref, tous les scénarios se terminaient inévitablement par un recroquevillement solitaire encore plus accru mais ô combien relaxant face à l’avenir.

Le spectre de la mort, de moins en moins opaque, l’effrayait de plus en plus mais il s’interrogeait. Est-ce que je saurai la différence entre la vie et ma mort? Peut-être que j’allais me confondre entre ces concepts flous et l’idée de réparer la grande erreur du passé. Comment faire face avec le plus de sérénité possible à mes derniers instants sans oublier que je suis aveugle à la beauté du monde? Il se remémora le plus de souvenirs possibles, surtout les bons moments où des rires d’enfants meublaient sa maison mais, même ces visons abstraites s’effaçaient tranquillement et laissait place au néant de son regard.

Ce vide existentiel laissa place à un sentiment de frayeur, tant de questions sans réponse mais par contre aucun regret, même si le “tic-tac” de l’horloge lui rappelait l’éphémère existence qui lui restait encore à vivre mais tout de même pleinement il existerait. Il tendit sa main vers le ciel mais sa pensée demeura tout à fait terre-à-terre : il n’était en vie que peu de temps encore. Il se sentait serein et heureux face à sa vie dans son ensemble mais il savait que l’espoir était totalement exclu, donc il se résigna à vivre sereinement ses derniers moments comme l’oiseau se blottit dans le creux de l’arbre desséché au bord de la falaise. Malgré sa sérénité, une certaine peine commença à prendre possession de son corps en fuite, qui se courbait sous le poids lancinant de cette force appelée le désir! Mais sans rien enlever au parfum du hasard, il perçut un effleurement de cette peau qui sécha sous son regard vide, il eut néanmoins une sorte de plénitude momentanée mais sans jamais pouvoir oublier le passé qui rongeait ses os et le futur qui allait bientôt se travestir en une autre réminiscence de ses souvenirs obscurs et du néant inévitable vers lequel il se dirigeait.

Il tenta de réciter ces fameux poèmes de l’âme véritables, mais il était devenu lui-même le poète du temps qui s’amusait cruellement à compter les secondes avant son trépas inéluctable et exponentiellement angoissant au fil des instants qui s’écoulent vers sa fin à lui. Une fenêtre s’ouvrit violemment, fit bondir son cœur qui palpita comme jamais il n’avait battu en chamade si intensément auparavant, ce qui alimenta ses angoisses inexorables qui grugeaient son champ intérieur et sa réalité inéluctable qui noircissait à coup sûr son champ extérieur qui se refermait toujours sur lui. La seule idée qui le maintenait à la surface était sa curiosité irrésistible pour ce qui pouvait mystérieusement se trouver entre les lignes du temps qui passe. Ainsi, il découvrait une sensation qu’il n’avait jamais vécu ni imaginé auparavant qui transperçait le velours de son cœur fermé comme une bougie qui s’éteint d’une lueur. C’était si fort, si doux mais à la fois sauvage et fragile comme une fleur enneigée de solitude blanche, intemporelle et non souillée par les intempéries malfaisantes qui voulurent la laisser pour morte. Il en fallait peu pour que son désir bleu se transforme en colère rouge, portée par la noirceur du pessimisme, transcendée par la blancheur de son inertie.

Avant de s’enliser, il voulait encore frôler le sol de ses doigts frêles pour goûter à jamais aux douceurs rugueuses de ce terreau, hérité d’un passé trouble. La terre avait un goût de sel et de soufre, son souffle haletant traduisait sa souffrance et il se résignait à ne plus savoir qui il était. Mais ce n’était pas simple, car il avait un désir si grand de ne pas quitter ce monde déconnecté de sa vision d’âme qu’il dessinait en mémoire de ses mains d’artiste en déclin une succession attendue de ratures indescriptibles mais créativement inspirées de cette sombre perspective qui le délivrait de ses espoirs irréalistes qui aveuglaient profondément son esprit et déstabilisait ses idées.

Du coup, il croyait que le désespoir était inéluctable et que l’issue inévitable se précipitait sur lui comme un fauve affamé. La vie ne faisait jamais de cadeau mais tout de même, il régnait en lui-même une sérénité paradoxale qui apaisait ses tourments. Il sentait une main caresser doucement son épaule, l’enivrant d’un frisson inédit et si agréable que ses pensées sombres se dissipaient graduellement, l’apaisant. Une légèreté jouissive se faisait un chemin en lui, et le plaisir de cette présence amie près de lui le rassurait, lui faisait un bien fou et le libérait progressivement de ses angoisses passées. Doucement, il sentait la caresse de la main sur son âme et il put alors laisser aller son dernier souffle en ressentant cette présence sécurisante qui lui insuffla la quiétude ultime tant espérée.

FIN

Auteurs:

MFL

Anarcho-Pragmatiste

Grand-maître des anomymes

Le satellite voyageur

Maszellan

Loup de Ville

Luciousloba

Une Réponse to “L’aveugle…”

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