C’est au moment où…

C’est au moment où tout est calme que survient l’improbable tempête intérieure qui déchire le corps en fulguration et décloue l’âme auparavant crucifiée par une tristesse réprimée qui enveloppait d’un tendre parement la substance primordiale de laquelle a jailli comme par un crachat toute la beauté du ciel et de l’océan. La nuit n’a pu que venir éteindre tout ça, en dormance, en attendant le battement du tambourin solaire qui n’était qu’en état de veille semblable à une vaine attente, à un amour naguère en ébullition et aujourd’hui en friche comme le terrain de jeux de mon enfance.

Je ne suis que latence ébouriffée, même si des torrents figés cognent à ma porte et que l’appel criant me fasse chavirer, les lancinantes tentacules de la méduse, ornant le bouclier sous-terrain qui me sert de carapace, entreprennent de percer ce rempart mais mes défenses tiennent tout de même le for intérieur de ma spirale. Du coup, quand se réveillent les ombres du jour, je ne peux m’empêcher d’espérer que les rayons de plénitude se mettent à briller de plus en plus ardemment mais certains doutes subsistent et me font vaciller tel un vieil océan sur la Lune. Je ne veux plus cette hésitation. Je veux foncer, passer au travers des herbes et transpercer les murs. J’aspire à dépasser les limites et je désire déchiqueter les tôles qui servent de vêtements à mon esprit vagabond et mirageux pour combattre la léthargie persistante et tenace qui me paralyse l’esprit, étouffe mes désirs et me détourne de mes rêves, même les moins irréalistes.

Serait-ce l’ultime épreuve qui me permettra de transpercer d’un trait l’hallucination permanente qui me sert de cristallin cristallisant mes esprits et mes sens? Ou ne serait-ce encore qu’une illusion d’optique qui me désillusionnerait obstinément, ma perception mouvante n’étant qu’une feinte d’un faux bonheur inconsciemment programmé? Ma peur fait place à la résignation défripée face à la morosité générale. Ah! Que vois-je à nouveau comme une soucoupe fluorescente dont l’énergie fuse en arc-en-ciel exubérant? Oh toi, mélancolie de couleurs, exhumant la pluie de ce qu’il me reste de beau temps comme le corps exhume son râle d’un amour agonisant, tu alimentes mon arc-en-ciel sentimental qui s’effrite inexorablement par ce pâle soleil mais heureusement, tu abreuves ma peau de ta présence maritime.

Tant de mirages caressants de douceur, je divague en toi éphémère comme la rosée retournant silencieusement au ciel clair lors d’une journée sèche et ensoleillée et je vogue à travers les vagues enivrantes de la désillusion temporelle qui envahissent mon esprit et me font oublier ces illusions intemporelles; tant que les flots lents, langoureux et limpides mettent en suspens les liens qui serrent les souffles retenus depuis longtemps, je traverserai le souffle olympique des folies océanes, j’épongerai des larmes volcaniques pour suffire à la chaleur de tes envies et, parce que tu oseras m’atteindre de tes regards, je lutterai passionnément pour te plaire à la volée, entêté comme une traverse d’orignal sur une autoroute, furtif comme un baiser aspiré d’oiseau-mouche. Ça ne prendrait qu’un soupir coloré de ta buée fertile pour gésir d’une jeunesse resplendissante, cueillie à la pleine lune, comme un loup gardé sous le silence de l’âge des ténèbres devant se retenir d’hurler sa domination violente sur la meute des reines insoumises aux rêves sincères des enfants endormis profondément et aux élucubrations mystiques des adultes aveuglés à leur antique esclavage, absurdes dromomanes compulsifs.

Cette illusion qu’à mal être, il faut se laisser aller, aller, comme les barques prenant le large de l’océan lunaire…ce sont les ondulations sur l’eau et des ailes qui transent vers le large, à l’étroit, ombrées par l’aurore que je te présente ce matin, tous les matins, malgré moi qui me sens si vide d’esprit malgré ma présence de corps. Je me complais dans cette hallucination dépressive sans lumière et sans remords, je prie la vie de me rendre la vue claire, nette comme l’eau rocheuse coulant dans les veines du temps, fluide comme la mort cueillant avec célérité une oppression invisible, qui s’étire, abandonne et isole les îlots de la perception que laissait entrevoir la mer des raretés perpétuelles. Je suis ce que je pense, assis sur une chaise où je saigne, où je geins, où je pleure assiégé et je ne vois plus la lumière qui dissout ma rétine en une brûlure aigüe comme le hurlement d’un viol empourpré mais curieusement érogène, au point où je suis aveuglé par tant de douleur, par toute cette obscurité qui atténue le cri, et qui à la fois me séduit et me chavire, tant l’appel se fait pressant et inéluctable.

Cette impression inhabituelle de soumission me laisse pantois mais ce noir a-t-il toujours été cette non-contemplation d’augure incertaine? J’avance errant sans certitude dans un paysage neuf; libéré en définitive des anachroniques peurs apprises par coeur et vomies par les propagandistes créateurs d’images et négateurs de rêves et même si tout peut chavirer autour d’un écho sur la surface des apparences, rien ne blesse tant que le regard vitreux d’un alevin pourrissant, hors du filet. À trop l’observer, on finit toujours par transférer le poids de sa vie sur lui, ainsi on la subit par procuration et notre individualité s’en trouve déchiquetée. Des labyrinthes et des vestiges infinis se déploient et les chemins sinueux s’étendent entre les ravages de la berge humaine et les oiseaux morts de nos silences, puis on se lance vers l’abîme tel…un saut en chute-esclave vers l’eczéma crevassé le plus profond de l’indifférence muette. Bercée et délaissée, cette indifférence assombrie le coeur même de la pomme d’or du Jardin des Hespérides, ce qui noircirait jusqu’à l’âme du grand Héraclès, en une autre folie meurtrière.

Heureusement, cet abandon salutairement temporaire mais d’une profonde tristesse n’était pas aussi insoluble que le nettoyage des Écuries d’Augias. Après la mort, l’échelle de papier couvre de regrets les murmures d’une mémoire encore plus souillée. Avoir ou ne pas avoir, telle est la plus étrange des questions. Car la possession n’est au fond qu’un état toujours temporaire et car cet argent, tu la gagnes et tu la redonnes à ces vils commerçants peu cohérents et ils fixent des coûts; au delà du cou, cela étrangle après ce coup au cou qui coule et roucoule, car le câble sert et ressert, ce qui enchaîne l’esprit aux choses et aux apparences. Misérablement abrité sous la pluie des sollicitations, il se détend langoureusement dans un amas de non-sens et de conforts futiles. Faudrait-il qu’il saborde sa vie présente pour faire renaître en lui la flamme de l’insurrection? Serait-il trop risqué pour lui d’agir ainsi ou non? Au contraire, s’agissant du risque, il le saisit de son corps et s’y jette en boule sans regarder, d’une inspiration retenue. Il projette toute son âme et tout son être vers l’avant, laissant entrevoir par ce fait les entrailles de la chaire brûlée par tant d’années de douloureuses introspections furtives et de manifestations refoulées qui annihilent ses pulsions et il anticipe ses appréhensions qui ne sont pourtant pas soutenues par les faits même si les hémorragies furtives cultivent des déserts de chagrin en fauchage saisonnier d’une aberrante trahison. Mais la trace était désormais indélébile et il ne pouvait plus se défiler devant cette étendue de vert, vierge, à jamais.

FIN

Auteurs:

Le D.

Anarcho-Pragmatiste

MFL

Charlotte Russe

Perséphone

Renart Léveillé

Patrick

Daud

Versions Célestes

Vincent Sremed

Loup de Ville

KB

Jeanne

Mazsellan

Image: Salvator Dali, Persistance de la lumière, 1931

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